Natalia Borisovna Walter
(Dernière modification le 26/03/2019)
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J'ai entendu en concert un certain nombre de grands et célèbres pianistes: Pierre-Laurent Aimard, Leif Ove Andsnes, Abdel Rahman El Bacha, François-René Duchâble, Mikhail Pletniov, Radu Lupu, Christian Zimerman... pour n'en citer que quelques-uns. Seul Radu Lupu m'a impressionné musicalement comme Natalia Walter.
J'ai fait sa connaissance en 2007. Elle avait aimablement accepté de répéter avec moi le programme d'un concours. Nous jouions le concerto de Reinecke. J'ai tout de suite été enchanté par son jeu. Rarement j'avais entendu un tel phrasé, des lignes musicales si denses, une musicalité si naturelle, si évidente. Comme je l'avais ressenti en écoutant Radu Lupu, c'était comme si chaque note sonnait simplement ainsi qu'elle devait, dans le temps exact et avec l'intensité nécessaire, comme si chaque son n’aurait pu être autrement.
Au cours des années qui ont suivi, j'ai eu la chance et la joie de rejouer quelques fois avec elle et de l'entendre dans quelques - très, beaucoup trop - rares concerts.
Si j'avais alors été un soliste internationalement reconnu, je l’aurais priée d'être ma partenaire de récital et l'aurais faite connaître à des agences et des organisateurs de concerts. Elle aurait été invitée à jouer aussi dans de grandes salles. Nul doute qu'elle aurait enthousiasmé les connaisseurs et les critiques capables, et son art aurait été enfin reconnu... Mais je me débattais en ce temps contre la dystonie et n’avais que de rares et très modestes occasions de jouer en public. De toute façon, elle n'aurait certainement pas voulu à son âge relancer sa carrière. (Elle avait alors un peu plus de 60 ans.) L’aurait-elle voulu 20 ans plus tôt? Peut-être n'a-t-elle tout simplement jamais désiré faire une grande carrière.
Elle habite une petite ville de province. Une toute petite ville, loin de tout centre musical important. Combien là auraient pu apprécier justement sa valeur? D'ailleurs, dans une petite ville de province ou dans une capitale, à Hannoversch Münden comme à Berlin ou Paris, qui n'a pas une relation profonde à la musique ne peut réaliser ce qu'est un tel talent. Et comme elle est - sincèrement mais - beaucoup trop modeste, ceux qui ne sont pas eux-mêmes profondément musiciens peuvent croire qu'elle n'est que ce qu'elle dit d'elle-même: "Une femme, qui joue du piano. Oui, qui n'en joue pas mal. Enfin... qui en joue normalement."
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Elle est la musicienne qui m'a le plus ému. J'ai été complètement bouleversé par son jeu.
Pourquoi donc? Que fait-elle donc de si différent des milliers de musiciens que j'ai déjà entendus? Elle est certes une excellente pianiste, mais qu’est-ce donc qui fait d’elle une musicienne si exceptionnelle?
Assurément, elle vit véritablement la musique, elle la ressent profondément. Mais même si ce n’est pas le cas de tous les musiciens, du moins pas à ce niveau, elle n'est certainement pas la seule. Par contre - et c'est là une qualité extrêmement (!) rare - je crois qu'elle joue avec une absolue sincérité. Sans essayer d'aucune manière de se mettre elle-même en avant. Une qualité rarissime...
Quelques éléments biographiques
Comme je l'ai écrit plus haut, elle est extrêmement modeste. Ainsi et bien que je l’ai bien connu et ai été très proche de sa famille, je n'ai trouvé que peu d'informations sur sa carrière.
Pour l'inscription au Conservatoire Glinka de Novossibirsk, en 1963, elle rédigea cette courte présentation:
"Moi, Kuropatkina Natalia Borisovna, née le 6.01.1945 dans la ville de Kemerovo (Kusbass, Sibérie, URSS), admise en 1952 dans la classe n° 1 de l'Ecole de Musique n° 20 de la ville de Leninsk-Kusneztki. Admise à l'Ecole Supérieure de Musique de Tomsk en 1959, diplômée en 1963. Mes parents habitent à Leninsk-Kusneztki. La mère, Kuropatkina Valentina Josephovna, téléphoniste. Le père, Kuropatkin Boris Tirentiewitsch, directeur de l'Agence de Construction des Mines."
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"Caractérisation" - Attestation de fin d'études au Conservatoirede Novossibirsk (dans le plus pur style soviétique...)
"A Kuropatkina Natalia Borisovna, élève lauréate du Conservatoire Glinka de Novossibirsk, classe de V. T. Vassilienko:
Une pianiste douée. Possède vivacité, naturel, bonnes capacités de virtuosité. Est autorisée à exercer en tant qu'accompagnatrice-répétitrice, professeure, et soliste.
Le responsable du département piano: V. I. Slonim 20 avril 1968"
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Après ses études, elle se consacra à l'enseignement. Professeure à l'Ecole Professionnelle de Musique de Bijsk (Altaï, Sibérie), elle en a dirigé le département piano pendant plus de 20 ans.
En 2000, elle a émigré avec son mari (Ewald Davidovich Walter (1946-2002), Russe-Allemand, clarinettiste et bassoniste, également diplômé du Conservatoire de Novossibirsk, professeur puis directeur de l'Ecole Professionnelle de Musique de Bijsk) et ses enfants en Allemagne. Elle a été accompagnatrice-répétitrice à l'Institut de Musique de l'Université de Kassel. Alors qu'elle n'avait à peine que 55 ans, son activité a principalement consisté, pendant des années, à accompagner de futurs professeurs de musique de collège et quelques amateurs chanceux... En plus de quoi elle participait à quelques concerts à Hannoversch Münden et dans la région, pour un public de quelques dizaines de personnes.
Elle aurait dû jouer aussi sur les plus grandes scènes, à Paris, Berlin, Vienne ou Moscou, et dans de grands festivals, toutes places où tant de pianistes vainement virtuoses exposent sans honte aucune leur ego démesuré...
De même, son enseignement a certainement grandement profité aux nombreux étudiants qui ont eu la chance de l'avoir comme professeure, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elle aurait été encore plus utile en enseignant aussi dans un grand conservatoire supérieur, partageant ainsi son art également avec les meilleurs étudiants du pays et étrangers, là où tant de “grands professeurs”, musiciens célèbres mais plus ou moins présents, se soucient souvent si peu du devenir artistique de leurs élèves...
Ou l'histoire d'un énorme gâchis.