Dystonie

 

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Dernière ajout ou modification le 5/02/2021

On appelle cela une dystonie de fonction. Il s'agit d'un dysfonctionnement affectant le contrôle de certains muscles, qui peut toucher aussi bien les doigts (ceux de la main gauche dans mon cas) que le cou, les lèvres, les muscles respiratoires ou même les cordes vocales.

 

Le problème ne vient pas des muscles eux-mêmes, qui, d'un point de vue organique, pourraient fonctionner normalement, mais du cerveau qui leur envoie des ordres inadaptés. Souvent, ce dysfonctionnement n'apparaît que lors d'une activité particulière. Pour ma part, je pouvais tout faire normalement, sauf jouer de la flûte. Je pouvais réaliser notamment des activités nécessitant des gestes fins et précis et n'éprouvais pas non plus de difficulté pour écrire ou taper un texte à l'ordinateur (gestes pourtant souvent touchées par un trouble dystonique), même si une certaine tension se faisait alors sentir. J'ai seulement commencé par avoir un peu de mal à réaliser certains mouvements à la flûte, avant de ne simplement plus pouvoir les faire et de devenir rapidement tout à fait incapable de jouer quoique ce soit.

 

Les conséquences d'une dystonie pour un musicien peuvent aller d'une légère gêne, rendant seulement certains gestes moins fluides, à l'impossibilité totale de jouer. S'il ne faut jamais perdre espoir, même dans les cas les plus graves, on peut en tout cas s'attendre à quelques rudes années. 

 

~ ~ ~

 

Cette épreuve a commencé pour moi en 2008. Ce fut le début d'une période longue et très difficile, mais loin d'être seulement négative. C'était en effet aussi une aventure passionnante, puisque, outre la mise à l’épreuve de ma volonté, elle m'a forcé à repenser de nombreux aspects techniques du jeu de la flûte et, d'une manière plus générale, ma manière de travailler et mon rapport à la musique. J'ai d'ailleurs été vite convaincu (avec cependant de grands moments de doute et des jours et quelques fois des semaines dans un état proche du désespoir) que je serai grâce à ces réflexions et aux changements qui en ont résulté un meilleur flûtiste et musicien que je n'aurais jamais été sans la dystonie.

 

Il faut pour surmonter une telle épreuve soit une grande intelligence soit une énorme motivation (à condition de ne pas être tout à fait stupide non plus). Je pense avoir surtout fait preuve de motivation. J'ai principalement cherché de manière empirique et suivi ainsi beaucoup de chemins qui m'ont emmené dans des culs-de-sac. J'aurais probablement pu travailler plus intelligemment et m'en sortir plus rapidement. Après avoir fait cette expérience, je m'y prendrais différemment, mais je ne savais pas. Et j'étais seul. Alors j'ai fait comme j'ai pu. 

 

Après avoir été pendant un temps tout à fait incapable de jouer, j'ai dû réapprendre à travailler. J'ai dû d'abord simplement reprendre l'habitude de travailler. (On devient vite fainéant... A ma décharge, il m'a fallu travailler longtemps sans avoir aucune assurance que cela porte des fruits. C'est cela qui était le plus dur.) Mais j'ai aussi dû apprendre à travailler autrement: peut-être moins, mais mieux, plus intelligemment. Je devais apprendre à travailler sans forcer, dans la confiance, et essayer de ne pas retomber dans les pièges qui m’avaient amené à ce désastre.

 

Il a fallu travailler à nouveau jour après jour, malgré le corps qui ne répond pas, qui ne veut plus faire ce qu'on lui dit, pendant des années, avec les tout-petits progrès, des avancées souvent infimes, à peine perceptibles, et avec les rechutes... Travailler avec la tristesse, parfois la colère, avec le sentiment d’injustice et la frustration, et bien que n'ayant aucune certitude de pouvoir rejouer un jour comme avant. (Cela vous paraîtra peut-être contradictoire, puisque j'écrivais un peu plus haut que j'ai été vite convaincu que je serai grâce à la dystonie un meilleur flûtiste et musicien que je n'aurais jamais été sans... Mais cela reflète bien mon état d'esprit durant ces années. C'était un peu les montagnes russes, avec des hauts et des bas... et pas mal de bas, quand même...) Enfin, puisque la passion et l'amour de la musique étaient là, il a fallu tenir, et je ne pouvais pas faire autrement que de tenir, même si j'avais parfois pendant des mois l’impression de faire tout ça pour rien.

 

Ceci sans parler des difficultés matérielles, puisque j'ai dû d'abord interrompre totalement mes activités professionnelles.

 

Et ça a duré longtemps... 4 ans dans mon cas pour pouvoir rejouer de véritables programmes de concerts. 8 années jusqu’à ce que je puisse à nouveau rejouer presque tout le répertoire.

 

C'était donc une rude épreuve, mais aussi une grande aventure, et si je ne voudrais pas la revivre une deuxième fois, je ne suis pas malheureux en somme qu'elle me soit arrivée. La dystonie et ces dures années font simplement partie de ma vie, sont une partie de ma vie - une vie que je n'échangerais pas contre celle de collègues apparemment plus chanceux et ayant connu jeunes de plus grands succès.

Mise en garde

 

Si vous êtes vous-même touchés:

 

Méfiez-vous de ceux qui prétendraient savoir et avoir LA solution, surtout de ceux qui prétendent avoir une solution simple et rapide. Méfiez-vous des médecins et des thérapeutes.

 

Il y a certainement parmi eux des gens de bonne foi - plus ou moins compétents d'ailleurs - mais aussi d'autres qui ont juste trouvé là un bon moyen pour gagner de l’argent avec la détresse des patients.

 

Je déconseille non seulement toute opération chirurgicale,

mais aussi les injections de toxine botulique/botox

et la prise de tout médicament sensé résoudre le problème.

 

La solution ne peut à mon avis venir de l'extérieur, que ce soit sous la forme d'une quelconque substance ou d'un acte invasif. Elle ne peut être qu'en nous, puisque le problème est dans notre cerveau, résultat d’une mauvaise méthode de travail et de notre manière de penser.

 

~ ~ ~

 

Il y a notamment parmi les pseudo-thérapeutes cette curiosité dont on rirait si ils n’escroquaient pas des personnes vivant des situations parfois déjà assez difficiles: Des musiciens reconvertis, qui disent avoir été eux-mêmes touchés et en être sortis... mais qui ne donnent jamais un concert. Imaginez un musicien, qui a consacré des milliers d'heures au travail nécessaire pour arriver à un haut niveau et dont la carrière aurait été brisée. Pensez-vous, si il parvient à en revenir et peut à nouveau jouer, qu'il renoncerait à se produire en concert?

 

Je n’y ai jamais fait appel moi-même mais je connais des collègues, pour certains avec des revenus modestes, qui ont payé cher pour des séances avec de tels “thérapeutes” - que j’appellerais moi des charlatans.

Ma dystonie: un rapport détaillé

I - Prise de conscience des premiers symptômes

- de fin 2007 à juin 2008 -

 

Vers la fin de l'année 2007, j'ai constaté de légers problèmes de synchronisation des 3e, 4e et 5e doigts de la main gauche, en particulier dans la 3e octave. Je préparais alors un concours, qui allait avoir lieu en janvier de l'année suivante.

 

Jusqu'à juin 2008, je n'ai pas vraiment remarqué d'aggravation. Le problème était encore là, mais toujours à peine perceptible. J’ai d’ailleurs remporté ledit concours, le 27 janvier, et même dans les mois qui ont suivi, la gêne était vraiment minime. Je ne me suis donc pas inquiété. Je pensais qu'il suffirait de retravailler lentement quelques exercices techniques choisis, ce que je fis. En plus de cela, à partir du printemps, j’ai commencé à travailler le programme du prochain concours, qui aurait dû être mon premier grand concours international...

II - Le désastre

- de juillet à septembre 2008 -

 

 

A partir de juillet, la situation s'est rapidement dégradée. Ainsi, en l'espace de seulement quelques semaines, j'ai perdu totalement le contrôle des mouvements de l'annulaire et de l'auriculaire. Fin août, dès que je commençais à jouer, l'auriculaire se mettait à trembler et l'annulaire se crispait (les deux premières phalanges tendues, complètement raides, la 3e phalange à 45°). Début septembre, j'étais absolument incapable de jouer quoi que ce soit. Je ne pouvais même plus jouer une gamme de Do Majeur, quelle que soit la vitesse, ni même les premiers morceaux de la méthode de flûte de mes élèves.

 

Ni à ce moment ni pas la suite je n'ai ressenti de douleur, et en dehors du jeu à l'instrument, ma main semblait fonctionner normalement.

 

Dans un premier temps, j’ai dû bien évidemment renoncer à ce grand concours auquel j’ambitionnais de participer depuis de nombreuses années, comme j'allais devoir renoncer à tous les autres, puisque - je ne le savais pas encore - j’aurai largement dépassé la limite d’âge imposée dans tous les grands concours internationaux quand je pourrai enfin rejouer le grand répertoire.

 

Bien entendu, je n’ai plus pu donner de concerts non plus, étant dans l’incapacité totale de jouer.   

   

Je pensais aussi, dans ces conditions, ne plus pouvoir enseigner. Comment, en effet, donner cours à de jeunes élèves sans pouvoir leur donner à entendre aucun exemple? Et surtout, puisque je ne savais pas quelle était la cause de cette crise, je pouvais craindre de leur inculquer les erreurs qui m’y avaient conduit.

III - Le long chemin vers la guérison

- à partir de septembre 2008 -

 

Septembre à novembre 2008: Je demandai d'abord de l’aide à d'anciens professeurs. Le premier que j'appelai refusa gentiment ma demande de venir le voir afin de lui montrer mon problème. Il fit un lien avec un incident qu'il avait eu un jour, s'étant bloqué quelque chose en creusant un trou dans son jardin, et me conseilla d'aller voir un ostéopathe. Une autre me répondit: "Désolé, mais je ne vois pas ce que je peux faire..." Une autre encore: "Je ne suis pas médecin, tu sais..." N'ayant pas récolté de meilleur conseil, je suivis le seul que j'avais reçu et tentai l'ostéopathie.

 

Ce traitement permit d'ailleurs une notable amélioration: Après quelques séances l'annulaire ne se crispait plus, du moins dans des tempi lents et tant que je n'avais pas à utiliser le petit doigt, et ce dernier ne tremblait plus. Un premier progrès important mais toutefois sans grande incidence sur mon niveau de jeu, puisqu'il m'était encore impossible de bouger ces doigts indépendamment l'un de l'autre. De plus, quoi que je fasse, je ne pouvais maintenir l’auriculaire en l'air. Il descendait automatiquement en diagonale, jusqu'à aller se réfugier sous l'annulaire.

 

Fin 2008 à avril 2009: Les séances d'ostéopathie n'apportant plus d'amélioration, j'ai consulté plusieurs médecins: un généraliste, un chirurgien spécialiste de la main (avec lequel la consultation a duré moins de 2 minute), des médecins et kinésithérapeutes de la "Clinique du Musicien et de la Performance Musicale" à Paris, un neurologue.

 

Le neurologue m'annonça après un examen que, du point de vue neurologique, tout fonctionnait normalement. Le chirurgien, après m'avoir demandé, la main posée sur la table, de pousser avec le petit doigt vers le bas puis vers le haut, me dit que tout était normal. Le généraliste ne voyait pas où était le problème...

 

Seuls les soi-disant spécialistes de la "Clinique du Musicien" semblaient savoir de quoi il s'agissait. Ils me dirent lors de la première consultation que ce n'était pas grave, qu'ils savaient soigner ce genre d'affection. Pour autant, après quelques mois de travail avec une des kinés (paraît-t-il spécialement formée au traitement de ce genre de troubles...), je ne pouvais constater qu'une légère dégradation. De plus, elle se refusait très simplement à répondre à mes questions; raison pour laquelle j'ai assez rapidement décidé d'arrêter les frais (au sens propre, puisque, alors que mes revenus étaient à ce moment quasi-nuls, ni le coût des consultations ni évidemment les aller-retours entre Mulhouse et Paris n’était couverts par l’Assurance Maladie).

Si j'ai appris une chose au cours de ces premiers mois, c'est que je ne devrai attendre d'aide de personne.

 

Les médecins:

 

Les non-spécialistes semblaient ne pas trouver le moindre intérêt à mon problème. Ils pensaient en mécaniciens: Pas de blessure, la main au repos semblait normale et je pouvais même bouger mes doigts. En dehors de l’action de jouer de la flûte, ma main semblait fonctionner normalement. D’ailleurs, aucun n’a seulement voulu me voir avec mon instrument. D'après eux, ce n’était pas grave, et on pourrait comprendre leur point de vue, sauf à compter que jouer de la flûte est relativement important pour un flûtiste professionnel... En fait, si ils avaient bien voulu observer attentivement, ils auraient pu constater des signes de dysfonctionnement dans d’autres activités (comme par exemple taper un texte à l’ordinateur ou écrire). Mais cela leur aurait coûté un peu plus de temps et un certain investissement intellectuel.

 

Quant aux soi-disant "spécialistes" parisiens, ils se sont contentés de me donner quelques réponses toutes faites après un diagnostic sommaire. Mais ensuite, voyant que leur méthode n'apportait pas d'amélioration, la kiné par laquelle j'étais suivi n'y voulu surtout rien changer. En refusant de répondre à mes questions, elle ne m'aidait pas non plus à améliorer ma compréhension du problème. 

 

En fait, on peut dire qu'aucun n'a fait preuve d'une once d'empathie et que, ne s'intéressant pas le moins du monde à la personne en détresse qui venait leur demander secours, ces dames et ces messieurs salissaient leurs titres et leur profession. Et tous rentraient sans doute tranquillement le soir à la maison, l'âme légère d'avoir bien travaillé, ou peut-être lasse d'un si dur labeur...

 

Les collègues:

 

Parmi les anciens professeurs auxquels je m'étais adressé, desquels je reçus notamment les réponses citées plus haut, qui montraient clairement l'absence totale d'intérêt, et le conseil de l'ostéopathie,(Manière de se débarrasser rapidement d'un ancien élève, mais sans risquer de se voir reprocher de n'avoir pas voulu l'aider? ... Pour ma part, si un jour un ancien élève - un gentil et des plus motivés - me racontait avoir un grave problème, je l’inviterais évidemment à venir me voir, comme ferait tout professeur doué d’empathie et bienveillant.) parmi ces anciens professeurs, donc, un seul accepta de me recevoir. Chez lui, nous avons joué et discuté pendant plus de 2 heures. De mon problème cependant, il n'a été question que quelques instants - d'après mon souvenir moins de 5 minutes. La discussion a très vite dévié vers ses sujets de prédilection: l’interprétation, le son et la lutherie. Ce qui semblait décidément pour tout le monde n'être qu'un détail et qui ne remettait en question que l'orientation de ma vie ne méritait apparemment pas plus d'attention.

 

Quand aux collègues qui n'avaient pas été mes professeurs et que je rencontrai à telle ou telle occasion, certains laissaient entrevoir une sorte de compassion mais on passait vite à autre chose, et la plupart donnaient surtout l'impression de vouloir fuir, comme si j'étais atteint de quelque maladie contagieuse.

 

Je me suis donc bientôt résigné à ne plus demander d'aide à personne et à chercher seul.

Durant les 3 ou 4 premières années, j'ai beaucoup expérimenté, surtout en ce qui concerne la posture. Pour cette raison notamment, j'ai changé souvent d'instrument.

 

Au temps où la crise a commencé, je jouais une flûte à clétage à anneaux avec sol décalé. J'ai à cette époque changé pour une flûte avec sol en ligne, comme celles que j'avais jouées durant mes 10 et quelques premières années. Si ce changement n'était pas vraiment motivé par la dystonie et que je ne pensais pas par là solutionner le problème, j'ai néanmoins eu la sensation que ça allait plutôt un peu mieux. Mais l'ostéopathe et les "spécialistes" parisiens recommandaient plutôt le sol décalé. J'ai donc changé à nouveau, mais cela s'est alors rapidement dégradé. Je suis donc revenu au sol en ligne.

 

Au cours des années suivantes, j'ai changé encore de nombreuses fois chaque année, jouant des flûtes avec sol en ligne ou décalé, avec clétage à anneaux ou plateaux pleins, patte d'ut ou patte de si... J'avais alors différents modèles (j'ai aussi acheté et revendu plusieurs flûtes durant ces quelques années) et changeais d'instrument à chaque fois que j'essayais une nouvelle posture pour laquelle un autre clétage pouvait sembler mieux adapté. Presque toujours, ça commençait par aller mieux et je croyais avoir trouvé la solution. Mais cela se dégradait généralement de nouveau après quelques jours.

 

J'ai mis un certain temps à comprendre que la place ou la forme de telle ou telle clé, ou le poids de l'instrument ou sa répartition (différents en fonction des alliages ou du type de patte) n'ont pas ou que très peu d'importance.

Mai 2009J'ai modifié à cette époque la position et la manière d'articuler le pouce. [ Réaffirmation de l'opposition pouce-index: J'actionnais désormais (de nouveau?) la clé du pouce avec le plat du doigt, alors que j'avais tendance depuis bien des années à le faire en appuyant avec la face latérale. Or ces deux mouvements font appel à des muscles bien différents. ] Ce changement très simple apporta une amélioration si nette et si rapide que j'ai bien cru avoir trouvé LA solution. Après seulement quelques jours en effet, je pouvais à nouveau maintenir l'auriculaire levé, alors que, pour rappel, ce doigt descendait auparavant automatiquement en oblique, quoique je fasse pour essayer de l'en empêcher. Je n'en maîtrisais pas encore le mouvement, mais il n'allait ainsi déjà plus appuyer intempestivement sur la clé de sol#. Tant qu'il n'avait rien d'autre à faire que de rester en l'air (c'est à dire sans jouer de sol#/lab ni de ré#-/mib-aigus), la main restait même relativement détendue. Je pouvais dès lors rejouer à peu près normalement au moins des pièces dans quelques tonalités faciles comme Do, Fa, Sol ou Ré Majeur, et ré mineur. Le répertoire regagné était certes bien mince, mais c'était déjà une amélioration notable et très réjouissante.

 

Quelques mois plus tard, à condition de n'avoir à bouger que ce doigt seul, je pouvais à nouveau lever et baisser l'auriculaire sans que l'annulaire ne bouge avec. C'est-à-dire que je pouvais rejouer - très lentement pour le moment - les enchaînements sol-sol# et sol#-sol dans les 2 premières octaves.

 

En décembre, j'ai pu rejouer en public pour la première fois depuis 1 an et demi. C'était un concert modeste avec un programme assez court et facile. Je n'aurais de toute façon pas pu faire plus, puisque le répertoire jouable à cette époque se limitait pour moi à seulement quelques pièces. J'ai néanmoins eu le plaisir de jouer ce jour avec la pianiste et grande musicienne Natalia Walter et une flûtiste amateure de ses amis la 1ère partie de la Fantaisie pastorale hongroise de Doppler, l'Andante KV 315 de Mozart, une version pour 2 flûtes et piano du Canon de Pachelbel et un trio de Quantz.

2010 fut une année moralement très difficile. Il y a bien eu une amélioration, mais si infime et si lente que les progrès étaient à peine remarquables. Ainsi à la fin de l'année, je pouvais effectuer à nouveau des mouvements simultanés de l'auriculaire gauche et des doigts de la main droite. C'est-à-dire que, toujours dans des tempi très lents, jusqu’à des croches à environ 40 pulsations/minute, je pouvais rejouer sans me crisper les combinaisons allant de sol#-fa# à sol#-do dans la 1ère octave et de sol#-fa# à sol#-mi dans la 2ème octave. Je ne maîtrisais par contre pas encore les mouvements simultanés de l'auriculaire avec d'autres doigts de la main gauche. De nombreuses combinaisons étaient donc toujours injouables, ainsi par exemple sol# avec une note allant de la à do# dans les 2 premières octaves, de même que sol#-mib et sol#-ré dans la 2ème octave et la plupart des combinaisons avec sol# ou mib dans la 3e octave.

 

Pour en arriver à ce résultat, il m'a fallu répéter plusieurs semaines durant des combinaisons de 2 notes, extrêmement lentement, en veillant seulement à éviter toute tension. Un travail extrêmement ennuyeux mais apparemment nécessaire.

 

J'ai rejoué quelques fois en public, apportant une modeste contribution à deux petits concerts et accompagnant diverses manifestations d'ordre culturel ou religieux. Sur l'ensemble de l'année, mon répertoire s'est enrichi en tout et pour tout d'une douzaine de morceaux faciles ou de mouvements d'œuvres.

2011

 

Janvier: Ayant continué à travailler de la même manière, je pouvais à présent à nouveau effectuer - toujours dans des tempi très lents - des mouvements synchrones de l'auriculaire avec certains doigts de la main gauche. Je pouvais ainsi rejouer proprement les combinaisons sol#-la, sol#-do et sol#-do# dans les 2 premières octaves. Etaient encore injouables celles avec des mouvements auriculaire-index (par exemple sol#-ré et sol#-ré# mediums, sol#-ré aigu, et mib-ré et mib-la aigus) et auriculaire-majeur (par ex. sol#-la# et sol#-si dans les 2 premières octaves, et mib-fa, ré#-fa#, ré#-si et sol#-si dans la 3e octave).

 

Février: Parce que le travail précédemment décrit (répétitions extrêmement lentes de séquences de 2 notes) était tellement ennuyeux et puisqu'il n'apportait que des progrès très limités et terriblement lents, j'ai continué parallèlement à chercher dans le domaine de la posture, de la position des mains, etc. . J'ai souvent pensé avoir trouvé ainsi la solution - depuis le début il y a déjà plus de 2 ans et demi, je l'avais espéré et cru (brièvement) au moins 20 ou 30 fois. Mais cette fois-ci, j'y croyais vraiment! En maintenant la main dans une certaine position, j'arrivais en effet pour la première fois à jouer de nouveau tous les enchaînements possibles... - Fausse joie. - Malheureusement, cette position s'est rapidement avérée être intenable. Elle entraînait de telles tensions que des douleurs apparurent bientôt. Je n'aurais pas pu jouer ainsi ne serait-ce qu' 1 ou 2 heures par jour. D’ailleurs, même sans douleur, de telles tensions n'auraient certainement jamais permis un jeu rapide et fluide.

 

Les mois d'avril à juillet furent un temps de grand optimisme. Je crus en effet de nouveau avoir fait un énorme, mais cette fois enfin réel puisque durable progrès. J'étais certes encore obligé de ralentir extrêmement certains passages, mais je pouvais enfin tout jouer et - c'était là la nouveauté - tout jouer détendu. D'ailleurs, je pouvais effectuer tous les mouvements presque normalement sur un écouvillon, par exemple, à la place de la flûte. En fait, de nombreuses combinaisons restaient difficiles, encore impossibles à jouer en mesure, mais mon impression était qu'il n'y avait plus de problème physique, mécanique. Dans certains enchaînements à la flûte, à partir d'une certaine vitesse, une partie de mon cerveau continuait seulement à vouloir reproduire des actions musculaires inadéquates, une manière apprise, développée lentement et gravée profondément dans ma mémoire corporelle durant des années de mauvais travail, et accentuée encore pendant les premiers temps de la dystonie. Il ne me restait donc "plus qu’à" désapprendre complètement ces mauvais automatismes.

 

Pour expliquer mon enthousiasme d'alors: Je pouvais jouer depuis 2009 les gammes de Do, Fa, Sol et Majeur, etmineur presque comme un flûtiste normal (par ex. l' E.J. 4 de Taffanel et Gaubert en doubles croches jusqu'à environ 160 pulsations/minute), mais je devais jusque-là encore faire dans toutes les autres tonalités une halte de 1 à plusieurs secondes sur certaines notes pour éviter de me crisper. Au cours de ces derniers mois, les choses c'étaient nettement améliorées. J'ai commencé par ressentir simplement moins de tension, puis cela s'est traduit réellement dans le jeu. J'ai pu rejouer mi mineur (jusqu'à 120), puis la mineur (jusqu'à 80), puis quelques tonalités de plus, et encore quelques-unes, jusqu’à être capable vers le 15 juillet de jouer le cycle complet de toutes les gammes majeures et mineures - certes encore lentement, mais de manière parfaitement régulière, proprement et en restant tout à fait détendu. Encore quelques jours plus tard, j'ai pu pour la première fois rejouer l' E.J. 10 (accords parfaits arpégés dans leurs différents renversements dans tous les tons). Je pouvais dès lors retravailler de nombreuses œuvres: certaines sonates et suites de Johann Sebastian Bach, les fantaisies de Telemann, la 1ère sonate de Gaubert, les Joueurs de flûte de Roussel... même certains caprices de Karg-Elert!

 

Août: Je dus redescendre assez brutalement de mon petit nuage. Alors que je pouvais effectivement jouer un jour certains passages auparavant difficiles, je bloquais à nouveau complètement le lendemain. Les changements et le travail effectués dans les mois précédents n'avaient donc pas apporté d’amélioration décisive. Suivirent encore une fois quelques semaines de grand doute. Je devais bien admettre que j'étais toujours perdu, après déjà 3 longues années de recherche.  

 

Fin octobre: Aurais-je enfin trouvé la solution? La réponse dans quelques semaines...

 

Je n'ai écrit la suite que plusieurs mois plus tard. J'ai manqué de temps, mais surtout je n'en avais pas envie. Car non, le problème n'était toujours pas résolu, et je m'étais donc une fois de plus fait une fausse joie. J'avais pourtant toujours la sensation que les derniers changements (pour faire simple: jouer avec moins de force et des doigts beaucoup plus légers, et une petite modification dans la manière de tenir l'instrument qui avait pour suite moins de tension, surtout dans la main gauche) ne pourraient qu'avoir des conséquences positives. Mais dans quelle mesure? Et combien de temps faudrait-il pour obtenir des résultats remarquables et enfin stables? Dans les premiers mois en tout cas, si la sensation était plutôt positive, je ne pouvais pas déceler de véritable amélioration au niveau des réalisations dont j'étais alors capable.

 

Les changements dont je parle ci-dessus semblent être de petites choses, simplissimes et élémentaires, et elles le sont en effet. On peut alors se demander pourquoi j'ai eu besoin d'autant de temps pour arriver à ce point. Cela tient à au moins deux causes:

 

- Premièrement, j'ai dû choisir une direction dans laquelle orienter mes recherches, mais je n'avais au départ aucune idée d'où venait le problème. J'ai privilégié le domaine que j'estimais alors être celui de la cause la plus probable, celui de la posture. Mais, ne serait-ce que dans ce domaine restreint, on est face à un nombre presque infini de possibilités, des changements les plus grossiers aux plus subtils, des modifications pouvant toucher les doigts, les poignets, les bras, les épaules, le cou, la tête, le dos, le bassin, les appuis au sol... Et puisqu'une modification dans un membre ou une partie du corps a généralement une incidence sur d'autres, et qu'en plus les effets d'un changement ne sont pas immédiats, il fallait procéder par petits pas, en essayant d'avoir une conscience aussi précise que possible de chaque modification apportée, de ne changer justement qu'une chose à la fois, et s'y tenir assez longtemps pour être sûr de son utilité ou de son inutilité. Cela exigea donc énormément de temps.

 

- Une seconde difficulté dans ce genre de situation est qu'il ne s'agit pas seulement de penser et de comprendre par l'intellect, mais aussi et surtout de "comprendre avec le corps". Or, quand on arrive à un état où les symptômes de la dystonie se développent avec un certain degré de gravité, la finesse des perceptions peut être tellement altérée qu'il faut parfois un temps assez long pour arriver à seulement prendre conscience de tensions auxquelles on s'était lentement habitué au point de ne plus les percevoir du tout.

 

Le 28 novembre, j'avais rendez-vous à Hanovre avec un professeur réputé être l'un des meilleurs spécialistes allemands de la dystonie chez les musiciens. Ce médecin, par ailleurs lui-même flûtiste (ancien étudiant d'Aurèle Nicolet et de William Bennett à la Hochschule de Freiburg) - ce qui me laissait espérer une meilleure compréhension du problème - m'avait été recommandé par plusieurs personnes depuis mon arrivée en Allemagne. Je n'avais jusque-là pas souhaité le consulter, par manque de confiance en la profession mais aussi et peut-être surtout parce qu’après tout ce temps passé à chercher, il m'aurait été pour le moins pénible que quelqu'un me donne la solution, dont j’étais peut-être tout proche. Une longue recherche solitaire, c’est une quête. Mais si un autre vous donne la solution, après des années et surtout si vous étiez alors arrivés tout près du but, ce ne sont plus que des années perdues... J'avais dit que je ne demanderai plus d'aide à personne. Mais après déjà plus de 3 ans, des années si difficiles, je me suis raisonné et ai accepté de tenter encore cela.

 

La consultation m'a semblé avoir été menée plus sérieusement qu'à Paris. Ce médecin-ci y a au moins consacré du temps (2 bonnes heures, je crois) et a pris la peine de m'observer avec la flûte. Il ne m'a cependant pas donné de solution ni même de conseil. Après m'avoir ausculté, il m'a expliqué grossièrement le fonctionnement du cerveau dans ce genre de situation, puis, après une discussion, il m'a dit que d'après lui, mes pistes de recherche actuelles étaient sensées et pourraient bien mener à la résolution du problème. En gros, je suis reparti sans être très avancé, mais un peu assuré dans ma voie. A vrai dire, je n'en espérais pas plus.

 

Sa méthode de "traitement" reposait principalement sur des injections de Botox. Le problème de cette méthode, outre les effets de cette toxine sur le long terme (les injections doivent en effet être répétées régulièrement), est qu'elle ne traite qu'un symptôme, en empêchant un ou plusieurs muscles de se contracter (avec le risque de les affaiblir), et ne s'attaque nullement à la cause profonde du dysfonctionnement. Puisqu'il était clair que je n'envisageais pas une seule seconde de suivre cette voie, il m’a prescrit un médicament (le Parkopan - employé notamment dans le traitement de la maladie de Parkinson), dont l'action était sensée faciliter la "reprogrammation" de mon cerveau. Je suis globalement contre la prise de médicaments et n'en prends pour ainsi dire jamais. (La dernière fois, c'était je crois en 2004, il avait fallu que je crache du sang pour me décider.) Mais cela faisait alors déjà plus de 3 ans que je luttais. J’étais fatigué, usé, et je me suis dit que si le travail restant pouvait être ainsi accompli en quelques semaines ou mois au lieu d’encore 1 ou 2 ans, ça en vaudrait peut-être la peine. J'ai donc décidé d'essayer, malgré mes réticences. J'ai cependant arrêté le traitement après quelques jours. Outre de forts effets secondaires (je me sentais extrêmement fatigué, comme un vrai zombie), j’acceptais difficilement l’idée d’absorber volontairement une substance chimique agissant directement sur le fonctionnement de mon cerveau. De plus, je ne voulais décidément pas devoir mon salut à une pilule. Je me disais que, de toute façon, si je travaillais et jouais désormais correctement, ayant cessé de reproduire ce qui m'avait amené à la dystonie, tout finirait par rentrer dans l’ordre. Cela prendrait seulement peut-être plus de temps. Si par contre je ne réglais pas le problème à la source, aucun médicament ne saurait le résoudre. J’ai donc décidé de simplement continuer comme avant la consultation. J'ai annoncé au médecin ma décision et lui en ai expliqué les raisons. Il a déclaré comprendre, n'a pas cherché à me convaincre, et nous avons convenu que je le tiendrai informé de l’évolution de mon cas.

Avertissement 

 

Depuis, j'en ai appris plus sur les méthodes et les agissements de ce monsieur, et je ne saurais trop vivement déconseiller de se laisser traiter par lui.

 

(En cas de doute, vous pouvez me contacter pour plus de détails.)

2012

 

Ainsi, depuis quelques mois déjà, je pensais avoir vraiment compris le problème, en avoir saisi les causes et trouvé ce qui mènerait à plus ou moins long terme à sa résolution. Je ne pouvais évidemment pas être certain de ne pas me tromper encore une fois, et si les changements adoptés dans ma manière de jouer et de travailler devaient effectivement porter leurs fruits, je ne savais pas non plus combien de temps serait encore nécessaire... Quoi qu'il en soit, il n'y eut pas d'amélioration notable dans les mois qui suivirent. J'avais bien la sensation que quelque chose était en train de changer, mais les progrès étaient toujours tellement lents qu'ils n'étaient quasiment pas perceptibles (évidemment pas perceptibles d'un jour à l'autre, mais pas non plus d'une semaine ou même d'un mois à l'autre). Je constatais seulement tous les 4 à 6 mois que je pouvais à nouveau jouer une ou quelques pièces qui m'étaient jusque-là inaccessibles.

 

En juillet, j'ai pu donner deux petits concerts: un court programme avec piano et un récital pour 2 flûtes, avec une jeune collègue et amie. Je jouais là-encore un répertoire sans grosses difficultés techniques: une sonate de Händel, la suite BWV 1009 de J.S. Bach et les 3 romances op. 94 de Schumann dans le premier concert, une suite de Boismortier et des sonates pour 2 flûtes de Blavet, Telemann et Wilhelm Friedemann Bach dans le second. Au programme du premier concert, j'avais initialement prévu de jouer la sonate pour flûte seule de Carl Philipp Emanuel Bach, mais j'ai dû remplacer cette pièce au dernier moment. Quelques passages étaient encore trop exigeants pour ma main et je me crispais de plus en plus au fil des jours. La suite BWV 1009 est pourtant globalement plutôt plus difficile mais la tonalité principale m'en rendait l'exécution plus aisée.

 

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14 août 2012Bien que cette année fut encore moralement difficile et même si les progrès étaient toujours extrêmement lents, j'avais désormais la sensation d'un changement fondamental, ce qui m'a amené à écrire en ce jour:

 

Je ne suis pas guéri, pourtant aujourd'hui

je déclare "Le Temps de la Dystonie" révolu. 

Je ne suis plus malade mais convalescent.

 

En relisant ces mots avec un peu de recul, je trouve cette affirmation bien optimiste, mais c'est une vue assurément plus réaliste que toutes les fois où j'avais cru jusque-là avoir trouvé la solution. J'avais en effet désormais compris et accepté une vérité peu plaisante: Il n'y aura pas de progrès fulgurants, il n’y a rien à faire qui puisse régler le problème en quelques semaines et il me faudra probablement encore des années pour regagner mon niveau technique d'avant.

 

Mais je suis aussi absolument sûr d'une chose à laquelle j'ai cru dès très tôt: Même si j'en suis encore très loin aujourd'hui, je jouerai un jour bien mieux qu'avant, mieux que je n'aurais jamais pu espérer si je n'avais été touché par la dystonie. 

 

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4 novembre: Premier véritable récital (et premier concert en dehors de ma petite ville de Hann. Münden). En la très belle église abbatiale d'Ottmarsheim, je jouais avec un collègue claveciniste des sonates de Johann Sebastian et Carl Philipp Emanuel Bach. J'ai dû à nouveau déprogrammer au dernier moment la sonate pour flûte seule de Carl Philipp Emanuel, remplacée cette fois par une fantaisie de Telemann.

2013

 

 

 

- A partir de là, le texte est en travaux. -  

 

 

  

Au courant de l'été, j'ai donné trois nouveaux récitals avec clavecin. Nous avons rejoué la sonate en sol mineur BWV 1020 et la "Sonate de Hambourg" de Bach père et fils, combinées cette fois-ci avec de nouvelles œuvres: J'ai ainsi pu rejouer la sonate BWV 1031, en Mib Majeur (une tonalité jusque-là très difficile pour moi) et - enfin - la sonate pour flûte seule de Carl Philipp Emanuel.

 

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Discutant du programme d'un concert prévu l'année suivante avec un pianiste russe, quelqu'un me dit: "Et la sonate de Prokofiev?" Magnifique! Une œuvre majeure et incontournable dans le répertoire russe pour la flûte. Mais je répondis que c'était encore trop tôt, trop difficile pour ma main.

 

Cela dit, de retour chez moi, je l'essayais. Juste pour voir... Effectivement, c'était encore trop tôt. Mais je n'en étais pas très loin. Et surtout: Elle me semblait désormais beaucoup moins difficile qu'avant la dystonie... C'est une pièce délicate. Avant, je pouvais évidemment la jouer, comme tout le répertoire, mais j'en avais toujours eu un peu peur. L'occasion de la donner en concert ne s'était jamais présentée, mais j'aurais alors été plein d'appréhension. Aujourd'hui, je pense pouvoir la jouer bientôt, et ce sera un grand plaisir. Plus de peur. Je me réjouis seulement à cette idée!

 

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Cette année, comme l'année précédente, j'ai passé en revue toutes mes partitions, et j'ai eu le plaisir de constater que je pouvais désormais rejouer près de la moitié d'entre elles, parmi lesquelles: les sonates de Hindemith et Martinu, le Nel cor piu de Theobald Böhm, des concertos de C.P.E. Bach, Vivaldi, Mozart, celui de Romberg, la Sequenza de Berio...

2014

 

Les 2 et 7 mars, je jouais à Göttingen et Hannoversch Münden un programme avec piano: la sonate "Arpeggione" de Schubert, la sonate en Mib Majeur BWV 1031 de Johann Sebastian Bach, le "Prélude à l'après-midi d'un faune" de Debussy (arrangement de Samazeuilh), l'Aria d'Albert Roussel et la 1ère sonate de Philippe Gaubert. Si je suis assez mécontent de ma prestation (il est très rare que je sois satisfait d'un de mes concerts), je n'ai par contre pas eu de problème particulier avec ma main, ce qui est très encourageant, surtout quand on sait que, hormis la sonate de Bach et la courte pièce de Roussel, toutes ces œuvres étaient pour moi injouables encore quelques mois auparavant.

 

Juillet: Je travaille de nouveau les caprices de Karg-Elert. Pas encore au tempo pour la plupart, mais déjà considérablement plus vite, plus égal et sans crispation. Cela fait 6 ans que je n'avais plus joué comme ça!

 

Fin juillet, août: Quelques jours après avoir repris ces caprices et comme à chaque fois que j'ai recommencé à travailler des pièces virtuoses, les symptômes se sont à nouveau aggravés. D'où une nouvelle période de grosse déprime. Je me suis posé encore une fois sérieusement la question de savoir si je ne devrais pas plutôt arrêter la flûte.

 

Fin août: Après quelques jours avec très peu de travail (hormis la préparation d'un concert au programme techniquement assez facile), le moral est de nouveau meilleur. Il me faut apprendre à composer avec les restes de la dystonie, qui peut-être ne disparaîtra jamais tout à fait... Il faut peut-être accepter de renoncer à certaines œuvres, trop virtuoses, et se contenter de bien jouer celles qu'on peut jouer. Elles sont déjà nombreuses. Peut-être devrai-je me contenter de bien jouer, et mieux qu'avant, mais pas tout le répertoire.

 

 

A partir de là, le texte devra encore être corrigé

et complété.

 

 

Septembre: Début d'une nouvelle phase de travail, qui durera peut-être toute ma vie: Pour commencer, je rejoue toutes mes partitions et (de celles que j'estime valables et souhaite jouer en concert) je copie dans un cahier tous les passages qui posent problème à cause de la dystonie. Ensuite et parallèlement au travail normal, je répèterai quelques-uns de ces passages, régulièrement tout au long de la journée, lentement, en étant attentif à toute tension. Il faut désapprendre la peur qui cause la crispation. Cela prendra sûrement encore des années, mais j'espère que, quand j'aurai répété ces combinaisons quelques milliers de fois, proprement, détendu, calmement, mon cerveau aura enfin compris qu'il n'est en fait nulle raison de les craindre.

 

...

 

L'idée n'était pas mauvaise, mais je n'ai travaillé ces extraits que quelques fois au courant des semaines suivantes, avant d'abandonner cette méthode. Ça m'ennuyait vraiment trop. J'en ai assez de faire des exercices! Je veux ne jouer que de la musique. Alors j'ai décidé de ne travailler que du répertoire, en faisant simplement toujours bien attention à rester détendu et à jouer avec des doigts légers.

 

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Depuis 2012, je fais chaque année un point sur l'évolution de ma situation en passant en revue toutes mes partitions et notant celles que je peux et celles que je ne peux pas encore jouer. (Afin d'avoir un point de comparaison, je prends chaque année exactement la même liste, donc sans tenir compte des partitions achetées entre temps.)

 

· En 2012, je pouvais jouer 75 œuvres sur 221, soit 33,94 %.

· En 2013, j'en pouvais jouer 108/221, soit 48,87 %.

· Cette année, en 2014, c'étaient 154/221, soit 69, 68 %.

 

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Octobre: En cherchant des concours pour motiver une amie et jeune collègue, je lis dans le règlement de l'un, qui aura lieu en décembre 2015: "Application is limited to flutists (...) born after 31 December 1966...". Je me suis alors dit que je pourrais m'y inscrire moi aussi. J'ai toujours bien aimé les concours et voulais participer à des concours internationaux, avant, mais j'en ai été empêché par la dystonie. Si j'ai encore le droit de participer à l'un 7 ans plus tard et que j'en suis à nouveau capable, pourquoi ne pas le faire aujourd'hui? 

 

3 décembre: Je commence à travailler le programme du concours, dont le premier tour aura lieu dans 1 an exactement. Reste à voir comment évoluera la situation avec une charge de travail plus lourde, un programme techniquement un peu exigeant et la pression...

2015

 

Janvier-mars: Nouvelle période de grosse déprime. Mais, puisque ça arrive souvent à des gens "normaux", c'est probablement tout à fait normal pour un musicien souffrant (depuis déjà 7 ans...) de dystonie.

 

Je travaille plus, depuis le début de l'année, et des pièces un peu plus difficiles, et comme on pouvait s'y attendre, je ressens de nouveau plus de tension dans la main. Même, parfois, je sens que le petit doigt veut de nouveau aller se fourrer sous l'annulaire, presque comme il y a 6 ans. C'est seulement moins fort aujourd'hui, heureusement. Je me dis alors qu'au fond, je n'ai pas grandement avancé, en tant d'années... Au point de me demander encore une fois très sérieusement si je ne devrais pas tout arrêter.

 

Avril: Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux. Ce n'était qu'une nouvelle mauvaise passe. La dernière? On peut rêver...

 

Je ne travaille pourtant pas moins, et le même programme qu'au début de l'année, plus quelques nouvelles pièces pas plus faciles, mais tout va plutôt bien. Je dois seulement faire très attention à jouer toujours avec des doigts légers et sans force.

 

Août: J'ai finalement renoncé à participer au concours et annulé le concert prévu en octobre avec le programme dudit concours. Ce n'est pas que mon état ce soit de nouveau aggravé, et je pouvais bien jouer le programme, mais pas comme j'aurais voulu. Or, je ne vois pas grand intérêt à participer à un concours international pour espérer au mieux passer au second tour. Et je ne veux pas non plus donner de concert qui pourrait être - de mon point de vue - au mieux médiocre. Je préfère donc attendre, continuer à travailler tranquillement et voir ce qui adviendra.

 

Ce n'est d'ailleurs qu'un ajournement, puisque j'ai déjà un autre concours en vue, qui aura lieu l'année prochaine. J'espère aussi ensuite enfin rejouer régulièrement en concert. J'en dirai plus bientôt.

2016

 

Février: Un développement intéressant... Je ne sais pas exactement quand s'est produit ce changement mais constate que, depuis quelques temps, je ne pense tout simplement (presque) plus à la dystonie. Je donne cours, je joue, je travaille, je répète, j'ai des concerts et la participation à un concours international en vue... Je me sens de nouveau libre.

 

Septembre: Depuis ces dernières lignes ont eu lieu plusieurs concerts, dont les 2 derniers, plus importants, ce mois-ci:

 

Le 4, nous jouions en duo avec mon amie et partenaire Anne-Sophie Hartzer. Ce n'était pas un programme facile, en plus de quoi nous n'avons eu que peu de temps pour le préparer, d'où une certaine tension. Mais, autant que je me souvienne, je n'ai pas pensé à la dystonie de tout le concert. Ce fut d'ailleurs un beau concert.

 

Le 16, je jouais le programme complet du concours auquel je dois participer en octobre: plus d'une heure de musique, sans pause et avec, pour certaines, des pièces  vraiment virtuoses. Jusqu'à peu avant le concert, je me suis demandé si je ne devrais pas plutôt annuler. Heureusement que je n'en ai rien fait, puisque ce concert a apparemment beaucoup plu au public - quelques-uns m'ont dit ou écrit après quelle joie cela leur avait fait - et que moi-même, malgré la tension ressentie durant de nombreux passages très difficiles pour ma main, j'ai eu beaucoup de plaisir à jouer. Je dus d'ailleurs reconnaître, après en avoir écouté l'enregistrement, que ce fut bien meilleur que l'impression que j'en avais eu pendant. Au point qu'à l'écoute de cet enregistrement (cela m'arrivait pour la première fois), j'ai été ému par mon propre jeu.

 

Ainsi, quelle que soit l'issue du concours, cela aura été une expérience très positive. Sans ce but en effet, je n'aurais pas osé m'atteler et jouer maintenant en public un programme aussi exigeant. Sachant d'où je reviens, c'était un vrai défi, et l'avoir relevé et de si belle manière est une belle victoire!

 

En plus de quoi, indépendamment de la dystonie, je continue à me développer musicalement, et je pense réellement que ce que je fais aujourd'hui est de belle valeur et, je crois (sincèrement et sans fausse modestie), désormais vraiment digne d'être partagé avec le public.

 

Octobre: Le concours est maintenant passé. Je ne dirai pas duquel il s'agit, parce que j'estime que c'était une mascarade, mais, et bien que je sois déçu par le résultat et n'arrive décidément pas à comprendre certains choix du jury, cette aventure s'est effectivement avérée être très positive.

 

Le négatif d'abord:

 

J'ai été sélectionné pour le second tour mais pas pour la finale, ce qui est tout simplement insensé étant donné les remarques du jury, qui a d'ailleurs dit qu'il était apparu évident que j'étais un vrai professionnel (à la différence de la plupart des autres participants qui étaient encore étudiants). Et l'on peut effectivement dire que 7 des 8 finalistes n'avaient rien de professionnels... A mon avis, seul celui qui a remporté le 1er prix avait le niveau d'une finale de concours international. Celui-ci était d'ailleurs excellent et a mérité son prix. Pour le reste, on aurait plutôt dit qu'il s'agissait d'un concert d'étudiants d'un conservatoire supérieur de niveau médiocre.

 

Pour ma part, je n'aurais de toute façon pas pu remporter de prix, puisque j'étais normalement trop âgé pour participer à ce concours. J'avais en effet dépassé la limite d'âge et n'ai pu bénéficier d'une autorisation spéciale que du fait que la dystonie m'avait justement empêché pendant de nombreuses années de participer à des concours et sous la condition de ne pouvoir prétendre à aucun prix. (Ce qui n'aurait normalement pas dû empêcher l'accès à la finale. Le jury en a malheureusement décidé autrement, et apparemment pour cette raison, d'après certains échanges ayant eu lieu lors des délibérations, que je n'aurais pas dû entendre... On préfera donc encourager des étudiants dont la principale qualité était d'être encore jeunes que de soutenir un musicien plus accompli mais déjà âgé (36 ans). Ça n'a rien de surprenant mais n'en est pas pour autant moins révoltant...)

 

Le positif maintenant:

 

Je pensais être, à cause de la dystonie, en ce qui concerne la technique (ce qu'on appelle communément "la technique" ou "la virtuosité" et qui n'est évidemment qu'une part de la technique instrumentale - la technique digitale) d'un niveau nettement inférieur aux meilleurs candidats. Mais les remarques du jury disaient tout autre chose. Elles étaient d'une manière générale très positives (exception faite de celles d'un membre auquel mon jeu n'a apparemment pas plu): "On voit que tu es musicien professionnel."  "... a joué comme un vrai musicien doit faire." "un vrai professionnel." "Très professionnel." "musicalement très intelligemment construit" " beau son" "captivant"...

 

Mais aussi, justement, plusieurs membres du jury ont loué ma technique, qualifiée de:  "très bonne" _ "très sûre" _ "souveraine"... Ils n'ont été informés de mon problème et des conditions particulières liées à ma participation par l'organisateur du concours que lors des délibérations du second tour, et ont tous dit qu'ils n'avaient rien remarqué.

 

Novembre: Comme je l'avais fait en 2012, 2013 et 2014 (je n'ai pas fait ce test en 2015), j'ai de nouveau essayé ces derniers jours toutes mes partitions, pour estimer l'évolution de mon état.

 

Pour rappel: En 2009, je pouvais à peine jouer quelques pièces ou mouvements d'œuvres faciles. En 2010, à peine plus - peut-être 10 à 20œuvres. Ça a été un peu mieux en 2011, puis

· En 2012, je pouvais jouer 75 œuvres sur 221, soit 33,94 %.

· En 2013, j'en pouvais jouer 108/221, soit 48,87 %.

· En 2014, c'étaient 154/221, soit 69, 68 %."

  

Aujourd'hui, je peux à nouveau jouer 92,76 % de ces partitions!

 

J'ai ainsi regagné un important répertoire - entre autres œuvres: les 3 pièces de P.O. Ferroud, la Fantaisie sur le Freischütz de Taffanel, les sonates de Poulenc et Prokofiev, toute une série d'œuvres de Theobald Böhm, les pièces de Chaminade, Enesco et Fauré, la sonatine de Dutilleux, les concertos de Landowski, Ibert et Jolivet...

 

Il ne reste désormais plus que quelques œuvres qui posent encore un vrai problème, et je suis sûr que je pourrai les jouer aussi d'ici 1 à 2 ans. De plus, ce qui est particulièrement réjouissant: Dans la plupart des œuvres nouvellement regagnées, j'ai bien du mal à comprendre ce qui était si difficile... Et de nombreuses autres œuvres que je pouvais certes jouer mais qui m'étaient toujours parues très difficiles avant la dystonie me semblent aujourd'hui si faciles! A l'exception de quelques rares passages, j'ai généralement une sensation de légèreté que je ne connaissais pas avant.

Page en construction...

Une fois révisée la partie déjà en ligne,

j'ajouterai la suite: de 2016 à aujourd'hui.